Deux parcours d’écoute sur les pentes de la Croix-Rousse (Lyon 4), dans le cadre des assises de la qualité de l’environnement sonore organisées par le CIDB
Deux balades sonores avec principalement des techniciens et aménageurs territoriaux comme public. Deux parcours a priori similaire, à deux jours de suite, début d’après-midi, itinéraire quasiment identique, à une rue prés. Néanmoins, deux expériences oh combien différentes d’un jour à l’autre !
La première, un mardi après-midi, nous fait découvrir un territoire dans une succession de points d’ouïe/de vue surplombant, panoramiques, avec les rumeurs associés, alternant avec les cadrages plus resserrés, intimes, des escaliers et cours intérieures traboulantes. Un véritable catalogue d’acoustiques et de sonorités urbaines qui s’offrent à nous, dans toute la diversité et la richesse du site croix-roussien, sans pour autant présenter de véritables cassures ou saillantes. En fil rouge, un groupe emmené par un guide patrimoine que nous croisons régulièrement fout au long de la descente, et qui parfois nous sert d’étalon de marqueur donnant, de près ou de loin, l’échelle acoustique des lieux. Ce groupe finit d’ailleurs par nous observer de façon mi intrigué mi amusé, devant notre obstination à nous arrêter sans commenter, en silence, ou presque.
Le deuxième parcours, le lendemain, s’avéra d’emblée très différent. Notre déambulation part d’une petite place en contre-bas d’une très grande fête foraine. Si le mardi elle était en sommeil à cette heure là, le mercredi, jour des enfants, elle bat son plein. Un manège à sensation, projetant violemment ses passagers dans les airs avec de brusque accélérations et changements de cap nous donne à entendre des vagues de cris aigus, accompagnant les caprices aériens de l’attraction foraine. Sur les rives en contre-bas, un véhicule de secours traverse longuement le paysage acoustique, marquant l’espace des rythmes lancinants de ses sirènes à deux tons. Le mixage à l’oreille des deux sources, l’une derrière nous, en hauteur, l’autre devant nous, en contre-bas, installe une véritable dramaturgie acoustique. On pourrait y sentir des accents tragiques, même si les cris de la fêtes foraines ne sont que l’effet d’un divertissement où l’on joue à se taire peur. Un peu plus bas, au cœur des pentes, je dérive légèrement de l’itinéraire initialement prévu, ayant entendu des bribes de musique s’échappant par les portes ouvertes de l’église Saint Polycarpe. Malgré la distance et la forte réverbération perdue de l’extérieur, il me semble bien avoir à faire à un « vrai » instrument acoustique, sans pour autant pouvoir en préciser exactement la nature. J’emmène donc le groupe à l’intérieur. Un saxophoniste, à demi-caché derrière une rangée de colonnes, répète une musique alternant de longues phrases étirées et des arpèges nerveux, aux accents jazz. Parfois il s’arrête pour chanter à mi-voix la partition, le tout jouant magnifiquement avec l’acoustique de l’église. Un régal pour l’oreille ! Toute l’architecture est habité de cette musique qui nous immerge dans un flux sonore aussi beau qu’inattendu. Magie d’une rencontre non préméditée, magie d’une balade sonore qui nous réserve souvent de belles surprises de ce genre, pour qui sait aller à leur rencontre. Après avoir joui de ce moment sonore dans un espace temps décalé, surréaliste, il, il nous faut malheureusement nous remettre en route, impératif horaire oblige. A l’extérieur, la vie reprend son cours, peuplée de voix, de moteurs, et de mille sonorités urbaines.
Les deux parcours s’achèvent par un fondu progressif entre la monumentale fontaine de la place des Terreaux, dont le puissant bruit blanc masque, voire occulte tout autre son lorsqu’on est au pied de ses chutes d’eaux, et la très discrète fontaine glougloutant de l’intérieur du jardin du palais Saint-Pierre. Ce jardin procure en quelque pas, la sensation d’entrer dans un oasis de calme et d’équilibre suivant l’agitation urbaine. Expérience fortement conseillée pour tout visiteur écoutant de passage à Lyon.
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