NO MUSIC WAS PLAYING
Heureuses surprises sonores à Montreuil
Il y a quelques jours sortant d’un rendez-vous sur les hauts de Bagnolet, j’avais une demi -journée à occuper avant de reprendre mon TGV pour Lyon. Je décidai de descendre à pied jusqu’au bas de Montreuil, sans doute inspiré par les expériences situationnistes… Il est vrai que ces franges de villes périphéries, friches industrielles, alternances de hangars/dépôts/commerces possèdent, pour le promeneur, une étrange et déroutante sensation de se trouver dans des espaces intermédiaires, difficiles à qualifier, avec une touche d’étrangeté qui garde les sens aux aguets tout en les stimulant.
Arrivé au centre de Montreuil, je vois affiché à l’entrée de l’annexe des Instants chavirés, l’ancienne brasserie Bouchoule, une exposition d’art sonore dont le titre « No music was playing » m’inspire assurément, sans que j’en connaisse les propos ni motivations. Je pénètre donc dans ce beau site, où j’ai d’ailleurs déjà rencontré ces dernières années, de belles propositions autour des arts sonores installés. J’y flâne longuement, prenant plaisir à découvrir des œuvres à la fois très minimalistes et très intéressantes, joliment mises en espaces, sans qu’aucune surenchère sonore ne vienne gâcher notre plaisir d’écouter, ce qui est finalement assez rare dans un espace présentant plusieurs installations sonores conjointes. Je découvre les cinq micro-installations de Rie Nakajima, où divers objets ou matières animés tintent ou grésillent délicatement, dans des cycles assez envoûtants tant ils sont à la fois présents et ténus , dans une très belle fragilité gracile.
http://www.rienakajima.com/_work/_installations.html/Five%20Compositions.html
Autre découverte des plus intéressante, « Field of view played by ear » de Byron Westbrook, use vidéo sonore à écouter au casque. Plan fixe, au centre d’un paysage, ou plutôt de plusieurs paysages qui rythment la vidéo, un micro encapuchonné d’une bonnette anti-vent poilue, je ne citerai pas de marque. Au casque, le visiteur entends donc ce que le micro a enregistré, selon les paysages. Notons d’aussi belles images que de magnifiques prises de sons, liées sans aucun doute au choix du lieu. Puis arrive un personnage, l’artiste lui-même, tenant à la main un petit haut-parleur autonome qui diffuse un bruit blanc, chuintant, comme il se doit. Plus il va s’approcher du micro, plus ce son a priori parasite, va empiéter sur le paysage ambiant, jusqu’à le masquer totalement lorsque le « joueur » sera vers les micros. L’artiste va ainsi jouer à nous titiller les oreilles en passant de droite à gauche, ou l’inverse, dans une belle binauralité, en s’approchant et en s’éloignant, dans une performance sonore paysagère qui viendra perturber les paysages par des mixages in situ. Fait étrange lorsqu’on y réfléchit, lorsque l’artiste performer déplace son haut-parleur très près des micros, on a la sensation d’un son « au ras des tympans », et de la perception de différents mouvements, alors que le regard lui ne bouge pas, de son point fixe de l’œil de la caméra. D’où un décalage entre les perceptions visuelles et auditives qui rajoutent un côté ludique et questionne sur la place du spectateur auditeur, et sans doute sur la façon dont il peut se faire berner par un artiste field recordist vidéaste facétieux.
http://www.byronwestbrook.com/
D’autres pièce ou concepts intéressants sont présentés par la commissaire d’exposition Danièle Balit, inspirés d’une autre exposition de Robert Morris en 1971 à la Tate Galery de Londres « Bodymotionspacethings », elle même a priori inspirée de l’étrange danse de Dame Troffea à Strasbourg en 1518. Le corps dans des espaces (publics) où nulles musiques ne seraient jouée, et pourtant…
http://www.article11.info/?1518-Strasbourg-entre-dans-la
Site de l’exposition http://www.instantschavires.com/spip.php?article1087
NB : Dommage que lorsque je prends le temps d’écrire ces ligne, l’exposition soit déjà terminée.