Max Neuhaus, vers de nouveaux espaces sonores


Max Neuhaus, de nouveaux espaces sonores  – 1

9/08/ 1939 – 3 /02/ 2009

« Notre perception de l’espace dépend autant autant de ce que nous entendons que de ce que nous voyons. »

Max Neuhaus

listenJe voudrais rendre hommage ici à un musicien, créateur sonore précurseur en son temps, père des soundwalks et de nombres d’installations sonores environnementales, et surtout trop injustement reconnu, en France en tous cas.

Max Neuhaus est un pionnier incontestable de la création sonore contemporaine. Percussionniste, interprète de musique contemporaine, virtuose renommé dés la vingtaine d’années, jouant avec Boulez et Stockhausen, il allait rapidement devenir l’un des premiers à étendre sa recherche musicale dans le domaine de l’art contemporain, et a impulsé un nouvel élan à ce que l’on nomme aujourd’hui les arts sonores.

Reprenant à son compte, mais surtout l’exploitant d’une façon très personnelle et pertinente, l’idée de John Cage que les sons les plus triviaux, ceux de la rue compris, doivent entrer dans les salle de concert, il construira au fil de ses expérimentations de véritables architectures sonores. Jouant avec des fréquences qui se frotteront dans l’espace public, s’installant de façon inattendue jusque dans dans les bouches de métro, ou remodelant les alarmes des véhicules de police, Max Neuhaus laissera une œuvre riche, protéiforme et ouvrant de nombreux champs d’expérimentations à venir. Cette volonté d’ouvrir la musique vers le monde des sons et de ses rapports étroits à l’environnement, le fera d’ailleurs quitter les salle de concert. Il créera désormais une véritable œuvre sonore ouverte, associée à une belle collection de croquis, de notes, de textes, qui donneront à la création sonore contemporaine une vivacité nouvelle et toujours oh combien d’actualité.

Pour illustrer ce premier article que j’ai décidé de lui consacrer, je vous propose une traduction de l’un de ses textes, commentant une œuvre de jeunesse, qui posait déjà de nombreuses questions qui nourriront son travail, et sans doute celui de nombreux artistes sonores contemporains.

Modus Operandi

Je voudrais parler ici de l’élaboration d’une œuvre de jeunesse, l‘un des premier travail de ce qui peut être appelé aujourd’hui une installation sonore. Cétait alors un changement assez radical, annonçant une forme contemporaine, assez répandue aujourd’hui dans la production de l’art sonore. Cette œuvre créait le contexte où un groupe de personnes était réuni à un moment et un lieu précis , pour regarder et d’écouter un ensemble de sons généralement plus discrets, plus singuliers que ceux rencontrés dans la musique « classique ».

Javais passé les dix années précédentes à expérimenter de telles situations d’écoute que j’avais appris progressivement à maîtriser assez finement. J‘y avais d’ailleurs trouvé plusieurs inconvénients ou dangers, inhérents ceci dit, à toutes les formes d’art, qu’est le côté trop divertissement. Les arts visuels semblent être moins contraints par ce travers, tandis que la musique, la danse et le théâtre y sont plus régulièrement confrontés, à un certain niveau, par la forme même de leur représentation scénique. Jai également senti que je avais affaire à un public assez réduit, beaucoup d’auditeurs spectateurs ayant en effet été « assourdis » par une sorte de surexposition massive aux musiques du XVIIIe et XXe siècles. Ma première occasion pour une expérimentation à grande échelle fut dans la ville de Buffalo, une ville avec un inhabituel et très large public de mélomanes à cette époque, possédant un centre culturel entièrement consacré à la création contemporaine. Je ai senti qu’il était important de faire un travail qui serait accessible non seulement pour ce large public de musiciens, mais aussi à ceux qui ne étaient pas initiés aux « rituels » particuliers de la musique. Une problématique que j’avais décelée, était de faire en sorte que que l’approche de L’œuvre soit présentée comme une chose impromptue, sans être véritablement obligée, ce qui n’était pas chose facile dans un travail sonore exposé dans un espace public.

L’idée a germé avec la prise de conscience que la plupart des gens passent énormément de temps dans leurs voitures, chose que je avais oublié, après avoir vécu les dix dernières années à New York. La plupart d’entre écoutent le beaucoup de musique via leur autoradios. Je ne connaissais pas vraiment le fonctionnement des dispositifs de diffusion électroacoustiques, mais je ne me souvenais que les chanteurs utilisent parfois des microphones sans fil qui peuvent diffuser effectivement sur une courte distance, vers un récepteur radio. Ce dispositif me semblait la solution intéressante. J’ai donc décidé de composer la pièce pour un grand nombre de dispositifs de diffusion sans fil, placés en différents endroits, bordant un tronçon de chaussée, chacun d’eux diffusant un son continu et différent. Depuis les émetteurs diffusant à une courte distance, je pouvais travailler l’espace sur la zone impactée par une forme d’architecture sonore, en positionnant des fils d’antenne selon la forme de couverture souhaitée, et de l’espace à remodeler via les sons. Ce dispositif à finalement permis de résoudre le problème de l’accessibilité à l’œuvre sans en rendre son accès obligatoire. Un conducteur auditeur avait la possibilité de participer lui-même à la synthonisation, à la composition de la pièce, ce qui a d’ailleurs ouvert le champ de recherche vers un large ensemble de possibilités aussi riches que complexes.

J’avais choisi comme emplacement une large avenue, bordée d’arbres appelé Lincoln Parkway. L’installation débutait à l’entrée principale de la Albright-Knox Art Gallery et courait vers le sud sur environ 800 mètres. Les arbres m’ont fourni de bons supports pour l’installation des émetteurs et antennes. J’ai commencé petit à petit la mise en place d’un émetteur diffusant des sons différents, en les traversant en voiture, en les écoutant à l’autoradio, pour obtenir une bonne idée de la façon dont les sons apparaissaient et disparaissaient lorsque je conduisais sur la route où était située l’installation. Ensuite, en utilisant deux émetteurs, J’ai testé différentes configurations d’antenne, écoutant comment les sons interagissent et se mixaient les uns avec les autres, via la radio de la voiture, construisant progressivement une pièce en roulant vers le sud de la route.

Ce travail a été terminé en Octobre 1967 et a été installé jusqu’en avril 1968. Ce ne fut pas simple. J’ai eu des détracteurs qui ont tenté de me stopper dans mon travail à plusieurs reprises, alors que je n’avais pas encore appris les ruses à déjouer, que je n’avais pas encore l’argumentation nécessaire, et aucune connaissance du fonctionnement interne de la bête institutionnelle.

Previously published in Artforum (New York), January 1980, and in Max Neuhaus: Sound Works, vol. I, Inscription (Ostfildern-Stuttgart: Cantz, 1994), 18-19.

http://www.max-neuhaus.info/

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