City Sonic 2017, zoom sur Alain Wergifosse


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© City Sonic – Transcultures

La première impression que j’ai eu de cet artiste a été qu’il y avait entre nous une certaine ressemblance, physique en tous cas. Barbe, compris la couleur, lunettes, chevelure…
Le deuxième, qui fut rapidement plus qu’une impression, que nous partagions un intérêt commun voire une passion, pour la chose sonore, au sens large du terme.

À mon arrivée à City Sonic, alors que nous prenions un verre avec l’équipe du festival, un technicien me dit « Comment va-tu depuis hier ? » N’étant pas à Charleroi la veille, je le regardais d’un air étonné quand il me précisa « Tu ne te souviens pas, je t’ai ouvert la porte car tu n’avais pas tes clés »
Lorsque je lui dis qu’il devait confondre avec quelqu’un d’autre et qu’une personne de l’équipe lui dit qu’il me confondait bien avec Alain Wergifosse, le mystère s’éclaircissait. Une première connivence anticipée?
D’ailleurs, peu de temps après, se joignait à nous le dit Alain, qui s’assoyant juste en face de moi.

Dès lors, nous fîmes connaissance et nous mimes à converser, de sons entre autre, et surtout.

Alain Wergifosse est un locuteur pétillant, passionné, dont la longue expérience de bidouilleur sonore, et j’aime cette expression car elle n’est pas du tout pour moi péjorative, bien au contraire, alimente de beaux échanges. Nous n’en manquerons d’ailleurs pas durant notre séjour commun à Charleroi.

L’homme a été certainement, durant une période, le plus Catalan des Belges, voire le plus Belge des Catalans, ayant vécu et travaillé, dans les années 90, à Barcelone, avec notamment Francisco Lopez, La Fura del Bahaus et bien d’autres artistes, avant que de revenir chercher la fraîcheur de ses terres natales.

Pour la 15e édition de City Sonic, Transcultures l’a invité en résidence artistique « Espaces résonnants », à Charleroi. Il lui a ainsi été offert une véritable carte blanche. Cette proposition, au travers différentes œuvres et concerts/performances mettra en lumière, et en sons, le talent et la diversité des approches que déploie ce Géo Touvetout de la création sonore.
En effet, à partir d’objets du quotidien, moulins à café, plaques de métal et autres récupérations, naissent des instruments-objets sonores surprenants, ludiques, dans la lignée de l’art récupération, mais avec des dispositifs de commandes et de traitements sonores maison, parfois, un brin geek.
Entre savants bricolages et technologies maitrisées, Alain sait agencer des installations qui oscillent entre une sorte d’art brut poétique, de Circuit Bending, et un côté hacker – maker tout à fait dans le flux des hybridations contemporaines. Sans doute peut-on regretter que, sur la scène Belge, voire internationale, il ne soit pas plus reconnu, mais l’homme a un côté aussi prolixe que parfois discret. En tout cas, il mérite d’être plus reconnu et rencontré. Pour ceux qui ne l’auraient pas encore remarqué, mes articles sur ce blog, tendent à partager le travail d’artistes que j’estime beaucoup, souvent autant par leur travail que par les contacts humains, les échanges et affinités.

Pour illustrer le travail protéiforme d’Alain Wergifosse, je vous donne ici quelques aperçus de ses installations réalisées durant sa résidence, et montrées dans le festival. City Sonic.

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© City Sonic – Transcultures

« Espace résonnant » Dans l’une des entrées de la belle galerie marchande début du siècle dite « Passage de la bourse » avec d’ailleurs une remarquable acoustique réverbérante, que je me suis empressé d’enregistrer, notre metteur en son joue sur les ambiances « en temps réel ». il capte, via des micros dissimulés, les mouvements sonores à l’entrée de la galerie, pour les mouliner et les traiter via un système électroacoustique, et les diffuser dans la galerie, retravaillés. C’est un jeu entre l’architecture, acoustique des lieux, influences interactives des passants qui participent à l’œuvre, au départ sans le savoir, puis souvent en jouant avec, que j’aime beaucoup. Cette approche de paysage sonore en espace public est en effet une posture, décaler l’écoute pour finalement l’aiguiser sur nos espaces de vie, qui pose pour moi de vraies questions sur la qualité, ou les déficiences d’environnements sonores. Environnement dont je cherche toujours les aménités partageables. Cette analyse personnelle n’engage que moi, même si l’observation des promeneurs tend à la confirmer. On trouve ici des rapports identiques à l’installation, elle aussi en espace public, de Raymond Delepierre, ou d’autres encore d’Émilien Leroy, dont je vous parlerai bientôt, dans leurs dialogues avec des espaces sonores ambiants. Si ces installations sont esthétiquement très différentes, elles n’en interrogent pas moins, chacune à sa façon, nos espaces auriculaires communs, en leurs ajoutant une couche de poésie, de douce perturbation urbaine dans une cité assez trépidante.

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© City Sonic – Transcultures

Autre création, ou plutôt ensemble de créations, un espace sonore assez ludique, situé dans le Hall d’entrée du Musée des Beaux Arts de Charleroi, lieu emblématique pour accueillir des œuvres sonores.

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© City Sonic – Transcultures

On trouve ici un arbre chantant, qu’il faut effleurer pour entendre ses douces mélodies, un jeu de double plaques métalliques excitées par un micro contact (dit aussi piezzo), et qui joue, non sans danger autour de l’effet de feedback. Pour les novices, un feedback est un principe de ré-injection en boucle d’un son capté par un micro, amplifié par un haut-parleur, puis recapté par le micro, et ainsi de suite. S’ensuit souvent un phénomène d’amplification incontrôlé, tel le célèbre effet Larsen, que tout un chacun a pu entendre, voire subir un jour. C’est donc pourquoi je parle de danger, surtout que l’accueil public du musée, où travaillent des agents d’accueil est situé à quelques mètres de l’installation. Les réglages doivent donc être assez fins pour ne pas se faire des ennemis à l’intérieur de l’institution.
À coté de ces plaques résonantes, nous trouvons une séries d’objets sonifiés, objets usuels, cordes, lames…eux aussi mis en résonance par des micros contact, leurs sonorités étant traitées en temps réel, dans un dispositif avec lesquels le public peut jouer. C’est donc un petit instrumentarium inédit, inouï même, mis à disposition de tous, qui participe sans doute à une pédagogie de l’écoute en action; je touche, j’entends le résultat, je retouche, différemment, j’écoute à nouveau, j’expérimente itérativement les interactions, les incidences, les relations de cause à effet… Les rapports gestes productions sonores via les mains et les oreilles valent souvent mieux,; comme appareil pédagogique, que n’importe quels grands discours théoriques.

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© City Sonic – Transcultures

Dans un autre registre, mais toujours dans l’esprit de l’agencement sonore partant de différents objets et matières récupérés, assemblés, triturés, l’artiste nous propose, le soir du vernissage, un concert performance dont le titre « Wok sonore – Sons comestibles » nous relient encore, Alain et moi. Cet autre intérêt commun est incontestablement celui de la nourriture, voire d’une certaine gourmandise assumée. Nos conversations mélangent sans complexe des lieux et pays où nous avons travaillé, ce qu’on y déguste comme spécialités locales, comme ce qu’on y entend et fabriquons au niveau sonore. Sans doute que bien écouter, c’est aussi bien manger, théorie personnelle d’un tourisme culturel façon Wergifosse-Malatray. Plus sérieusement (quoique) Alain nous propose à nouveau une table d’objets sonores divers est variés, toujours amplifiés, joués en direct, dans une sorte de crescendo sonore soigneusement cuisiné, mitonné même pour filer la métaphore. Un grand bol à soupe est notamment rempli d’objets métalliques et de micros capteurs qui, manipulés avec des baguettes chinoises, nous concoctent un cocktail détonnant, et très maitrisé dans sa progression.

Voici donc quelques exemples de ce que cet artiste prolixe peut nous proposer, dedans, dehors, en live comme en installations. Dire ici que j’apprécie ce travail est un doux euphémisme.

Écoutez ici une rencontre impromptue, Zoé Tabourdiot, Gilles Malatray, avec Alain Wergifosse, sur la Sonic Radio

 

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© City Sonic – Transcultures

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