ART ET ENVIRONNEMENT SONORE


ART ET ENVIRONNEMENT SONORE

Claude Schryer

Originalement publié dans le volume 20, numéro 4, automne 1996 de la revue Possible, «L’art dehors» à Montréal Jeune homme de North Bay, Ontario, je mets pied au Québec pour la première fois en 1967. Malheureusement, je n’ai pas de souvenirs de la fameuse installation de Xenakis au pavillon de France, ni du monumental «Centre-élan» de Gilles Tremblay au pavillon du Québec, et pourtant ces oeuvres phares dans l’histoire de l’art environnemental sonore au Québec ont sans doute influencé mon développement.
Je ne sais pas exactement d’où vient notre intérêt particulier pour l’environnement sonore au Québec -l’omniprésence de la nature dans nos milieux de vie, notre géographie «bruyante», la fragilité de notre identité culturelle et linguistique -mais cette sensibilité sonore «s’entend» clairement dans le travail de nos artistes sonores…
Je suis un compositeur qui se spécialise en écologie sonore depuis 1990. Je suis actif en tant que compositeur producteur, diffuseur et organisateur dans le milieu de l’écologie sonore et de l’électroacoustique. Dans mes créations sonores j’aime monter, traiter et combiner des paysages sonores naturels, urbains et humains en forme de juxtapositions poétiques, de perceptions altérées, de re-contextualisations et de réflexions sur les contradictions, les anecdotes et la magie du quotidien. Depuis 1994, je m’intéresse de plus en plus à une notion spirituelle de l’écologie sonore.
En écrivant cet article pour POSSIBLES je me suis rendu compte que j’avais énormément de difficultés à exprimer en mots mes convictions et philosophies sur l’art et l’environnement sonore. Ce qui m’anime intérieurement est encore en développement et ne s’exprime pas facilement. Je remarque que mes contributions dans le domaine de l’écologie sonore se font plutôt «sur le champs». Mais j’ai accepté de contribuer à ce numéro de POSSIBLES car j’étais heureux que André Thibault ait pensé aux créateurs d’art sonore environnemental dans le cadre d’un numéro spécial sur l’art et l’environnement. J’ai donc choisi de m’exprimer du mieux que je pouvais et surtout de donner voix à mes collègues plus articulés. L’article est inévitablement incomplet et fragmenté, mais j’espère avoir donné au moins une idée de l’effervescence des artistes dans ce milieu et de l’importance d’une notion d’écologie sonore dans le milieu artistique et dans notre vie quotidienne.
Montréal (92) : 7e Printemps
Le festival international de musique électroacoustique sur le thème de l’écologie sonore, le 7e Printemps électroacoustique (juin, 1992), a été un événement majeur dans ma vie professionnelle. C’est à l’occasion de mon 32e printemps que j’ai développé une grande partie de mon idéologie et de me convictions artistiques autour d’un métissage des technologies électroniques et de l’écologie. J’ai eu la chance d’inviter des musiciens, compositeurs, sculpteurs, concepteurs sonores, animateurs, chorégraphes, conférenciers, pédagogues… et le grand public dans un esprit d’effervescence et de réflexion sur l’écologie sonore. Plus de trois cent créateurs québécois, canadiens et étrangers parmi les plus inventifs ont présenté de nouvelles oeuvres spectaculaires et environnementales. Pendant ces 16 jours d’activités, les artistes ont exploré l’aspect sonore du paradoxe qui existe entre les arts technologiques et l’écologie.
J’ai écrit le texte suivant en mai 1992, en collaboration avec Chantal Dumas, qui résume mes convictions è l’époque et encore aujourd’hui:
Dans le grand débat environnemental, la question sonore est rarement soulevée. Ce qui ne signifie pas pour autant que la pollution sonore n’existe pas. Il faut se rappeler les essais des F-18 au-dessus du Nouveau-Québec, le port de protecteurs auditifs par les employés d’usines, ou encore l’érection de murs insonorisants à proximité des voies de circulation importantes. Malheureusement, l’intérêt pour un sujet semblable et la volonté politique surgissent toujours quand le processus de dégradation est déjà amorcé. Faudra-t-il en arriver à un pourcentage de surdité anormalement élevé dans une population pour attirer l’attention sur cette question? Notre objectif est d’aiguiser l’écoute des Montréalais et les rendre sensibles à la diversité du paysage sonore dans lequel ils évoluent quotidiennement. L’écologie se définit comme l’étude des relations entre les êtres vivants et leur environnement. R. Murray Schafer, compositeur, définit l’écologie sonore comme étant l’étude des sons dans leurs rapports avec la vie et la société. Le fait de se sensibiliser à l’environnement sonore mène à mieux en reconnaître les diverses qualités, positives et négatives, à en repérer les signaux informatifs, et à en distinguer les diverses composantes. «Ce milieu sonore -dit l’écologiste Pierre Dansereau, qui était président d’honneur du 7e Printemps électroacoustique -nous soutient quand il ne nous oppresse pas.»
L’industrialisation et les nouvelles technologies ont métamorphosé l’environnement sonore; de nouvelles sonorités sont apparues, ont transformé la notion d’écoute, et ont modifié de manière décisive les critères esthétiques. Comment le concept d’écologie sonore s’harmoniset-il à une pratique musicale? Cette notion d’écologie est plutôt récente dans le milieu musical et électroacoustique. Par contre, un bon nombre d’artistes de diverses disciplines, explorent et utilisent le paysage sonore dans leur travail. Ils s’imposent comme des intervenants sensibles à cette thématique. Intéressantes et opportunes, leurs réflexions sur les problèmes liés à un travail compositionnel peuvent élargir le débat et alimenter des discussions sur la qualité et l’organisation du paysage sonore en milieu urbain: la spécificité de leur travail consiste à prêter une oreille attentive et analytique aux phénomènes sonores et à organiser en agrégats les sons les plus divers à des fins d’expression artistique. La plupart de ces artistes situent leur engagement social au niveau d’un rôle à jouer dans l’équilibre et la qualité des formes de vie sonore. Pour ce faire, il y a autant de voies que de participants. L’artiste peut devenir une mémoire collective et nous aider à mieux connaître ou reconnaître un environnement sonore rarement entendu. Dans une situation de décontextualisation, il propose de nouvelles associations, des jeux acoustiques, des métaphores poétiques.
Dans le cadre du 7e Printemps, l’électroacoustique est devenu un élément polarisateur et la nouvelle technologie, l’outil de travail. Nous nous sommes ouvert davantage au grand public, dans des lieux hors des salles de concert. La rencontre avec la nature en pleine ville est un élément propice à stimuler l’éveil d’oreilles anesthésiées et à revitaliser l’écoute. Et si l’environnement sonore devenait l’affaire de tous?
R. Murray Schafer était mon conseillé artistique principal, dont le texte d’introduction au festival présente bien les visés de l’événement:
«L’oreille est aujourd’hui soumise à plus de sons que jamais auparavant dans l’histoire. Il devient de plus en plus évident que la société occidentale est en train de s’assourdir par l’intensité du bruit et de la musique qu’elle tolère et encourage. En ce sens il est possible de parler de l’environnement sonore moderne comme étant non-écologique. De nos jours, il est impératif de prêter attention à toute tentative visant à rétablir l’équilibre dans l’environnement acoustique. Le 7e PRINTEMPS ÉLECTROACOUSTIQUE sera un événement important pour la ville de Montréal; il pourrait avoir une portée considérable et être profitable à notre monde
contemporain, en sensibilisant le public aux dangers que peut présenter le bruit, s’il n’est pas contrôlé, et en montrant la beauté des sons oubliés dans notre environnement et dans notre imaginaire.»
Notre président d’honneur était le grand écologiste québécois Pierre Dansereau. La générosité et l’ouverture d’esprit de Monsieur Dansereau a été une grande source d’inspiration pour nous. La journaliste et artiste sonore Chantal Dumas a rencontré Pierre Dansereau en avril, 1992 à Montréal, dont voici un extrait de l’entrevue:
-De quelle façon entrevoyez-vous la participation des artistes dans le débat environnemental? P.D. -Il y a longtemps que je pense que la collaboration entre les artistes et les scientifiques est nécessaire. Cette collaboration existe déjà implicitement, en ce sens que les artistes utilisent des données scientifiques. C’est la technologie qui leur permet de peindre à l’acrylique, non plus à l’huile. Ceci est dû à des progrès scientifiques, mais de là à ce que les artistes s’associent à la façon, à l’optique, à la perception que les scientifiques peuvent avoir de la nature, il y a une marge. Il y a tellement d’artistes dont les oeuvres sont utiles pour des fins scientifiques. (…) Cet échange, je crois qu’il faut l’organiser, l’institutionnaliser même. Nos universités ne s’y prêtent pas toujours, parce que les cloisons départementales sont passablement épaisses. (…) Lorsqu’il s’agit de problèmes encore plus graves, soit de l’avenir de la planète bleue de plus en plus polluée, il dépend de nous, en tant que citoyens, de faire quelque chose pour arrêter la pollution, pour planifier un avenir qui n’est même pas imaginable et qui ne ressemble à rien de ce qui s’est passé jusqu’ici dans l’histoire de l’humanité.
-Que pensez-vous, monsieur Dansereau de l’écologie sonore? P.D. -L’écologie du son me tient à coeur. C’est extrêmement important. Les écologistes parlent de conscience de l’environnement. La conscience de l’environnement, c’est l’autobus qui grince au coin de la rue, c’est la pluie qui tombe, elle ne se limite pas seulement au chant des oiseaux. Aujourd’hui les compositeurs utilisent non seulement les harmonies de la nature, mais aussi tout l’aspect sonore de l’occupation du territoire par l’homme. (…) Actuellement, à cause de la crise écologique planétaire, je pense que toutes ces énergies artistiques, littéraires et scientifiques doivent converger, sinon nous risquons de plonger dans le chaos vers lequel nous nous acheminons actuellement.
-Qu’est-ce que vous pensez de la qualité sonore actuellement dans les villes? P.D. -Je reviens de Sao Paulo, c’est l’enfer. La qualité sonore y est ahurissante. Je ne jette pas le blâme sur le Brésil qui s’est laissé industrialiser, qui s’est laissé urbaniser d’une façon chaotique et sans planification. Le problème est pire dans des pays comme le Mexique et le Brésil, que dans un pays comme le nôtre, où on a les moyens, l’argent, la prospérité voulus pour remédier mieux que nous ne le faisons. Même des gens riches comme les Japonais se mettent un masque pour ne pas respirer l’air. C’est l’assainissement de l’air qu’il faudrait faire. Ces incohérences existent à l’échelle de la planète. Je dirais que Montréal de ce point de vue, est vivable. D’après les déclarations des Nations-Unies, le standard de vie du Canada est numéro un à l’échelle mondiale. (…) Montréal est une ville où il fait bon vivre, où on est mieux dans sa peau et dans ses sens que partout ailleurs. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas des correctifs à apporter. Je pense que les artistes, et singulièrement les musiciens, les compositeurs, les musicologues et les aficionados ont tous une part à faire, pour accroître la créativité du milieu sonore. Ce dernier, nous soutient quand il ne nous oppresse pas. Augmenter la marge du soutien, c’est bien la tâche qu’un congrès comme celui que vous organisez, se propose de faire: mettre en valeur l’élément sonore dans l’environnement, sa correspondance avec des éléments visuels, son apport à des éléments humains, à une certaine joie de vivre, à une certaine paix de l’âme; faire converger vers vos problèmes de la sonorité d’autres problèmes qui en font partie. En réalité, c’est tout ça que vous visez, alors je pense que votre initiative est extrêmement opportune.
J’ai demandé à l’électroacousticien Francis Dhomont de partager ses idées sur le thème de l’écologie sonore, et égal à lui-même, Francis a soumis un article polémique et stimulant, «Frères électroacousticiens qui après nous vivrez (peut-être) (publié dans le numéro 55 de la revue MUSICWORKS), dont voici les derniers paragraphes:
«Un aspect important de l’écologie sonore, c’est, justement, de ne pas l’être trop, sonore. Que penser des torrents de décibels que vomissent les bouches de nos haut-parleurs, toujours plus puissants dans le grave, l’infra-grave, le médium, l’aigu, le suraigu, l’ultra-sonique? Sommes-nous les plus qualifiés pour nous préoccuper des tympans de nos contemporains?
L’invention la plus futée en matière d’écologie sonore, je l’ai rencontrée, il y a bien longtemps, dans un bistro que je fréquentais, où le juke-box, pour le prix d’une chanson, vous jouait un disque de…silence. (sic.) Trois minutes trente de bonheur, après quoi le vacarme reprenait à qui mieux mieux. Heureuse époque où l’on se préoccupait des oreilles sensibles, ne fût-ce que pour du pognon! Aujourd’hui, plus question de neutraliser le hurlement ambiant, c’est à qui aura la plus grosse sono; en y mettant le prix on parvient même à couvrir le trafic, c’est-àdire à ajouter son propre bruit au sien. Le monde urbain est une histoire pleine de bruits, de fureur et de haut-parleurs tonitruants; en quoi les nôtres, mes amis, sont-ils moins assourdissants, moins polluants, c’est la question à 1000 piasses?
Si j’avais mon mot à dire dans ce Printemps écologique, je proposerais une «zone piétonne de l’ouïe»: une heure à 20 dB, ou moins. Interdiction dans la ville de toute boîte à son, de tout ampli, de toute sirène, de tout moteur. Prodigieux instant de répit: la nature au naturel, vous imaginez ça? Le concert du siècle, plus fort que Feldman (je veux dire plus faible encore…), l’utopie absolue! On peut s’en faire une petite idée en marchant dans Venise -capitale mondiale de l’écologie sonore urbaine-loin du Canal Grande et de préférence la nuit.
Mais voilà, je suis comme vous, coincé dans ce dilemme, tiraillé, déchiré, tentant de m’inventer toutes sortes de bonnes raisons. Comme vous, je consacre des kilomètres de polyester pour conserver le chant des cigales, des grenouilles, du ruisseau ou des rossignols plutôt que de les perdre à tout jamais. Mais je ne suis pas dupe de ces subterfuges et sais bien que nous sommes déjà entrés dans l’ère des simulacres. Compenseront-ils la disparition de l’être vrai? «Le vent se lève!… Il faut tenter de vivre!»
Le 7e Printemps électroaoustique a présenté le travail de plusieurs artistes sonores québécois et canadiens, dont voici quelques exemples:
Arbre (1984) de Charles de Mestral(Montréal) a été réalisé avec la participation du sculpteur
C. Paul Mercier est conçu pour un grand espace public tranquille. Cette sculpture/installation intègre un système sonore holophonique comprenant vingt haut-parleurs qui projettent une image acoustique tridimensionnelle. Le champ sonore varie selon le positionnement du spectateur. La bande électroacoustique est un collage de sons d’oiseaux, de vagues, de voix d’enfants, de baleines et d’ondes cérébrales stéréophoniques.
Les réseaux 5: nids d’oreilles (1992) de Jocelyn Robert (Québec). Une quarantaine de piézovibreurs (des petits objets sonores électroniques) accrochés dans les arbres du parc Lafontaine ont surpris les oreilles des promeneurs. Jocelyn Robert est maintenant Président du collectif AVATAR dans le complexe Méduse à Québec.
Retour sur les ondes (1992) de Pierre Dostie (Montréal). Imaginez huit chaloupes en mouvement sur l’eau, possédant chacune deux haut-parleurs et imaginez les quatre stations
radiophoniques communautaires de Montréal diffusant simultanément une oeuvre électroacoustique dans ces haut-parleurs. Le travail de Pierre Dostie depuis plusieurs années se situe dans la conception et la réalisation d’oeuvres musicales qui prennent en considération l’espace physique et circonstanciel dans lequel elles seront entendues. L’environnement sonore s’approprie l’espace acoustique des lieux publics, en utilisant des systèmes de diffusion adaptés pour chaque lieu. Sa musique, de type environnemental, est conçue pour être projetée en permanence dans l’espace, pour des lieux de passage.
Le silence est comme un bruit (1992) de Boris Chassagne et Steve Montambault (Montréal). Une sonorisation poétique de la piste cyclable et piétonnière diffusée dans une allée de haut-parleurs. Une oeuvre pour le cycliste sur le parcours et les récifs des piétons à l’intersection du rouge, de l’orange et du vert clôturé du parc, d’où jaillissait l’humeur des passages parcourus depuis l’aube et jusqu’à la brunante, dans l’immobilisme et la désintégration du physique, par des boîtes sonores jonchées sur le parquet fleuri des navires échoués de leurs habitudes d’émettre des voix issues de mélodies, tantôt atonales et par ailleurs musicales…
Les jeunes créateurs écologiques et l’exploration sonore: «Une vision sonore de la ville réinventée par les enfants » et « Je réorchestre les sons de ma ville!» de Liette Gauthier (Montréal). Le volet pédagogique du 7e Printemps visait l’harmonisation des arts technologiques et de l’écologie. Le jeune public était associé au processus de la recherche sonore. Par l’expérience personnelle du jeu direct avec les sons, les enfants ont développé leur finesse auditive et leur créativité et ont agit sur les sons pour les nuancer, les rythmer et recréer ainsi des espaces sonores.
L’Orchestre-vélo (1992) de Paskal Dufaux (Montréal) et Michel Smith (Montréal). Des musiciens et comédiens ont brouillé les ondes sonores du parc avec leurs vélo-à-cordes, vélo-accordéon, vélo-vent, vélo-orgue et vélo-percussion. L’Orchestre-vélo était une sculpture sonore mobile inédite, conçue et construite par deux artistes montréalais, Paskal Dufaux, sculpteur sonore et Michel Smith, concepteur sonore. Des vélos usagés de toute sorte ont été métamorphosés en instrument de musique et en objet d’art. Des instruments à cordes, à poulies, à vent, des cloches, des sirènes, des synthétiseurs, des enregistreuses à piles, des instruments de bruitage construits à partir de matériaux recyclés, électroniques et inventés ont été intégrés aux vélos. L’orchestre-vélo à beaucoup évolué depuis 1992 continue à jouer aujourd’hui sous le nom «Ensemble Karel».
Musique pour le parc Lafontaine (1992) pour quatre Harmonies en mouvement de R. Murray Schafer (Indian River, Ontario). «Musique pour le parc Lafontaine incorpore quatre fragments musicaux que l’on peut considérer comme faisant partie de l’histoire acoustique du parc et de Montréal. L’ouverture de l’oeuvre, avec ses roulements de tambours militaires, renvoie à l’année 1888 -lorsque le terrain fut acheté par le gouvernement colonial pour en faire un camp d’entraînement militaire. Le deuxième fragment évoque l’histoire plus lointaine par le refrain des saxophones qui jouent des fragments de mélodies amérindiennes. Le troisième fragment fait référence à la mélodie la plus connue du compositeur Calixa Lavallée. Le quatrième fragment musical est extrait du «Sanctus» de Charles Ecuyer, le premier compositeur montréalais (né en 1758). Cette composition n’est pas particulièrement brillante, mais servait très bien mon intention puisque je voulais conclure l’oeuvre sur une note tranquille et suggérer que, quelles que soient les autres caractéristiques d’un parc, celui-ci demeure avant tout un sanctuaire naturel et témoigne de la tranquillité que nous avons perdue dans la vie moderne. En ce sens, un parc est toujours un endroit sacré.»
Droit de cité (1992), une conception de Mario Gauthier (Montréal) et Claire Bourque (Montréal), réalisateurs au FM de la SRC. Pendant sept jours, à des heures différentes, des portraits sonores de la ville de Montréal ont été présenté en direct sur les ondes du réseau FM
de Radio-Canada. Ces portraits, d’une durée de 10 à 30 minutes, se sont greffés, sans être annoncés, à une émission en cours. Sept paysages sonores captés en direct à partir de différents lieux de la ville de Montréal ont été transformé -toujours en direct-par des artistes sonores installés dans le studio 12 de Radio-Canada. Ces portraits, d’abord réalistes, ont été progressivement transformé par des artistes sonores. La radio est devenue, l’espace d’un moment, un auditeur attentif, une gigantesque oreille à l’écoute de la personnalité de la ville.
Banff (93) : Forum mondial pour l’écologie sonore
Un événement important dans l’histoire du mouvement d’écologie sonore a été le congrès «Tuning of the World», qui a eu lieu du 8 au 14 août, 1993 au Banff Centre for the Arts. Ce congrès réunissait plus de 200 activistes dans le milieu de l’écologie sonore de toute discipline et réunissait pour la première fois la grande famille interdisciplinaire de l’écologie sonore. Un des résultats de ce congrès a été la mise sur pied d’un organisme international pour la promotion de l’écologie sonore : le Forum mondial pour l’écologie sonore (FMÉS), qui se définit l’écologie sonore comme suit: «l’étude des relations entre organismes vivants et leur environnement sonore -ou paysage sonore.» Toujours selon le FMÉS, «l’écologie sonore réunit une grande variété de disciplines, incluant les domaines suivants : architecture, art audio, communication, éducation, électroacoustique, sonorisation cinématographique, géographie, musique, éducation musicale, physique, psychologie, radiodiffusion, sociologie et urbanisme. Les écologistes sonores s’intéressent à la création de multiples contextes et de situations qui encouragent l’écoute du paysage sonore, le développement de la perception auditive et l’approfondissement de la compréhension sonore de l’auditeur ainsi que l’appréciation et l’observation des actions qui affectent ou modifient la qualité du l’environnement sonore, l’étude des effets d’intervention technologique sur l’environnement sonore, l’étude de la signification des médias électroniques (radio, télévision, musique d’avant et d’arrière plan, etc.) et leur présence grandissante dans le paysage sonore, la protection des paysages sonores naturels, la préservation et la création de temps et d’espace de silence, le développement d’idéologies concernant le silence dans différentes cultures, la conception d’environnements sonores sains et la création artistique.» Le FMÉS existe aujourd’hui grâce à l’appui de ces membres avec un bureau administratif à Vancouver. Par contre il n’y pas de structure permanente pour l’instant. Le FMÉS coordonne la publication d’un bulletin d’information, le Soundscape Newsletter et participe au financement d’événements spéciaux, tel un atelier sur le paysage sonore à Haliburton, Ontario en juillet 1996 et un congrès international à Paris en août 1997. Le FMÉS maintient un excellent site sur le www et un groupe de discussion sur l’Internet.
Québec (94) : Colloque sur le silence et la pollution sonore
Suite à la sensibilisation et à l’ouverture dans le domaine de l’écologie sonore à «Tuning of the World», l’Université Laval à Québec organise en avril 1994 un important colloque sur l’écologie sonore: «De l’expressivité du silence à la pollution par la musique». Ce colloque, coordonné par Raymond Ringuette de la Faculté de musique de l’Université Laval, réunit une très grande variété d’intervenants du milieu, dont les compositeurs R. Murray Schafer, Nil Parent, John Beckwith et Gilles Tremblay, le juriste Lorne Giroux, l’écologiste Pierre Dansereau, le psychologue et psychanalyste André Renaud, la physiothérapeute et psychologue Lise Gobeil, le médecin et musicologue Jacques Boulay, la musicologue Maryvonne Kendergi, le professeur d’orthophonie et d’audiologie Raymond Hétu, l’audiologiste Éric Huard, l’orthopédagogue Jean-Paul DesPins, le professeur de musique Yves Bédard, la psychopédagogue Nérée Bujold, le psychologue Pierre-Charles Morin et le médecin François Parent.
Voici un extrait de texte d’introduction dans les actes du colloque qui contextualise les
perspectives de ce colloque: «Comme son titre l’indique bien, le colloque étant avant tout une invitation à la réflexion et aux échanges entre deux pôles de l’écologie sonore, le silence et la pollution. Il convient d’ailleurs de souligner la très belle illustration graphique qui a servi de véhicule de promotion au colloque : un disque laser d’un côté, une scie électrique de l’autre. Voilà bien exprimé tout l’antagonisme du sujet de l’écologie sonore, alors que l’expression et la beauté se heurtent à l’agression sonore sous diverses formes. La variété des exposés exprimant tout autant la complexité d’un thème qui, pour le profane, pouvait se résumer au premier abord au simple problème de la musique fortement amplifiée ou de la musique omniprésente dans les lieux publics. La diversité des points de vue émis -de la simple réflexion jusqu’à l’exposé de résultats de recherches scientifiques -est sans nul doute l’élément qui a caractérisé le colloque. L’esprit qui a animé cette rencontre a donné lieu à des propos nuancés et à des réflexions parfois philosophiques, mail le plus souvent pratiques de la part du public. Les participants se sont également rapidement familiarisés avec un nouveau vocabulaire pour traduire leurs préoccupations : écologie sonore, pollution sonore, qualité de l’environnement, acoustique, fatigue auditive, acouphène, décibels, stress émotionnel. on a parlé de musique, de sons, de bruits mais aussi beaucoup de silence et de paix intérieure. Bien sûr, baladeurs, «Muzak» et discothèques ont souvent été mis au banc des accusés, mais d’autres considérations sont vite apparues pour exprimer la nécessite d’intervenir d’abord dans notre milieu, sur une petite échelle, avant d’entreprendre une croisade contre l’ennemi aux multiples visages.»
Les actes de ce colloque ont été publié dans le numéro 13 de la revue «Recherche en éducation musicale au Québec» (Novembre 1994). Pour obtenir une copie contactez: École de musique, Pavillon Louis-Jacques-Casault, Université Laval, Sainte-Foy (Québec) G1K 7P4.
Québec (95) : Documentaire de l’ONF sur le paysage sonore de Québec
Un événement important dans l’histoire de l’écologie sonore au Québec verra le jour en 1996: L’office national du film (le producteur Paul Lapointe et le réalisateur Louis Ricard) préparent un long métrage documentaire sur le paysage sonore de la ville de Québec basé sur le livre de R. Murray Schafer «Le paysage sonore». Ce film, dont le titre de travail est «Le chant des sirène», retrace l’histoire et le patrimoine acoustique de Québec et se veut un banc d’essais pour les théories de Schafer tel que vu et entendu dans la ville de Québec par Louis Ricard. Le film réussit très bien à démontrer les multiples perspectives de la vision de Schafer et démontre également le vif intérêt des Québécois pour l’environnement sonore.
Montréal (96) : Sirènes et cloches
En février 1995, Pointe-à-Callière, le musée d’archéologie et d’histoire de Montréal en collaboration avec la chaîne culturelle FM de Radio-Canada, présentent la première «Symphonie portuaire» dans le vieux port de Montréal, pour sirènes de bateau à pression d’air, sirènes électriques et cloches de locomotive et le clocher de la Basilique Notre-Dame. En 1995, les compositeurs Don Wherry et Paul Steffler (St-John’s, Terre-neuve) et Helmut Lipsky (Montréal) écrivent des musiques pour les sirènes et les cloches du vieux-port qui sont présentées devant plusieurs milliers de spectateurs curieux d’entendre le «son» de leur port. En 1996, c’est Walter Boudreau (Montréal) et moi-même qui avons reçus les commandes. La note de programme pour mon oeuvre «Musique portuaire pour sirènes et cloches» donne une idée de l’esprit du projet: «Musique portuaire pour sirènes et cloches est une orchestration environnementale de l’espace acoustique du Vieux-port de Montréal. L’oeuvre a été composée en fonction de la texture, de la réverbération, de la modulation et de la portée de chaque sirène et de chaque cloche. Musique portuaire pour sirènes et cloches transformera ces signaux sonores (qui servent normalement à indiquer un danger, une arrivée, un départ ou un événement spécial) en un commentaire poétique sur la cohabitation de l’église, des
systèmes de transport mécaniques et de l’écosystème du port de Montréal. Tout comme les «Harbour Symphony» au Sound Symposium à Terre-Neuve, l’oeuvre s’inspire de la vitalité, du sentiment d’appartenance et de l’omniprésence du fleuve dans nos vies.».
Citations de musiciens
«Si une grenouille, qui est un animal à sang froid, est mise dans un bocal d’eau et qu’on fait chauffer cette eau peu à peu, la grenouille s’habituera au changement de la température jusqu’à ce qu’elle meure. Elle ne se rendra jamais compte que la température a monté. Notre civilisation ressemble un peu à cela sur le plan sonore, c’est-à-dire on s’est habituée à ce que le niveau sonore augmente, et à un moment donné nous aurons tous les tympans crevés.»
-Robert Normandeau (Montréal)

«Pain brun/pain blanc. La musique est faite de bruit et on aurait tort d’épurer trop la farine. En musique, tout ce qu’on ne comprends pas est appelé BRUIT. Le bruit c’est votre limite. La limite de votre compréhension musicale et, pour progresser en musique, il faut toujours aller vers le bruit. Toutes les nouvelles musiques sont considérées comme bruyantes, cacophoniques. »»
-Jean Derome (Montréal)

«L’oreille est aujourd’hui soumise à plus de sons que jamais auparavant dans l’histoire. Il devient de plus en plus évident que la société occidentale est en train de s’assourdir par l’intensité du bruit et de la musique qu’elle tolère et encourage.»
-R. Murray Schafer (Indian River, Ontario)

«L’écologie est l’étude des relations entre les êtres vivants et leur environnement. L’écologie acoustique est donc celle des sons dans leurs rapports avec la vie et la société. Ce n’est pas une discipline de laboratoire. Elle ne se conçoit que par l’étude sur le terrain de l’influence sur les êtres vivants de leur environnement acoustique… Pour comprendre ce que j’entends par esthétique acoustique, considérons le monde comme une immense composition musicale, qui se déploirerait sans cesse devant nous. Nous en sommes à la fois le public, les musiciens et les compositeurs. Quels sons voulons-nous préserver, encourager, multiplier? Lorsque nous le saurons, les sons gênants ou destructeurs se détacheront suffisamment pour que nous sachions pourquoi il nous faut les éliminer. Seule une composition d’ensemble de l’environnement acoustique peut nous donner les moyens d’améliorer l’orchestration du paysage sonore. L’esthétique acoustique n’est pas uniquement l’affaire des acousticiens. C’est une tâche qui requiert la collaboration de beaucoup de gens : professionnels, amateurs, jeunes -tous ceux qui possèdent une bonne oreille -car le concert de l’univers est permanent et les places à l’auditorium sont gratuites. » -R. Murray Schafer

« Je pense qu’il faut arriver à reconnaître les sons les uns au-dessus des autres. Les uns par rapport aux autres, c’est-à-dire les couches et ça s’apprend par la sensibilité que l’on développe et la conscience.»
-Luc Ferrari (France)

« C’est les artistes, c’est nous les compositeurs aussi, qui peuvent faire redécouvrir aux gens leur entourage. »
-Mauricio Kagel (Cologne, Allemagne)

« J’entends l’environnement sonore comme source d’énergie sonore qui me servent alors de point de référence dont je lèse la causalité ou non, c’est à dire dont je laisse l’image parler pour elle même, ou bien non, pour alors faire des structurations sonores électroacoustiques. »
-Annette Vande Gorne (Belgique)

«Tout est une question d’écoute, par ce que dans le même environnement sonore on peut entendre des choses selon la façon dont on écoute. Je crois que ça demande plus ou moins de concentration et d’ouverture, et d’acuité, mais en fait on est capable de transformer tout ce qu’on entends. »
-Jacques Dudon (France)

Poésie
J’aimerais terminer cet article, dans l’esprit de POSSIBLES, avec un peu de poésie. Ce texte de R. Murray Schafer est très proche de mes préoccupations et présente des perspectives intéressantes sur la difficulté de «parler» de l’univers sonore qu’aucun de nous avons vu, mais qui est omniprésent…
JE N’AI JAMAIS VU DE SON Traduction française de « I have never seen a sound »
R. Murray Schafer
Je voudrais à présent parler des sons. Le monde est rempli de sons. Je ne peux pas parler de tous. Je parlerai des sons qui importent. Pour parler des sons, je produis des sons. Je crée -c’est un acte originel que j’ai accompli dès le moment où je suis venu au monde. La création est aveugle. La création est sonore. « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre » -avec sa bouche. Dieu nomma les choses de l’univers, en pensant tout haut. Les dieux égyptiens sont nés lorsque Atoum leur créateur, les nomma. Mithra est né de voyelles et de consonnes. Les dieux terribles sont nés du tonnerre. Les dieux féconds sont nés de l’eau. Les dieux magiques sont nés du rire. Les dieux mystiques sont nés des échos lointains. Toute création est unique. Chaque son est nouveau. Aucun son ne peut être répété exactement de la même façon. Pas même votre nom. Chaque
fois qu’on le prononce, il est différent. Et un son entendu une fois n’est pas le même qu’un son entendu deux fois. Et un son entendu avant n’est pas le même qu’un son entendu après.
Chaque son se suicide et ne revient plus jamais. Les musiciens savent cela. Aucune phrase musicale ne peut être répétée deux fois exactement de la même manière.
On ne peut connaître les sons comme on connaît les images. La vue analyse et reflète. Voir, c’est placer les choses côte à côte et les comparer (scènes, diapositives, diagrammes, images…). C’est pourquoi Aristote considérait la vue comme la principale source de la connaissance.
L’image est connaissable. L’image est un nom.
Le son est actif et générateur. Le son est un verbe. Comme toute création, le son est incomparable. Il ne peut donc y avoir aucune science du son -seulement des sensations… des intuitions… des mystères…
Dans le monde occidental, l’oeil est depuis longtemps le référent de toute expérience sensorielle. Les métaphores visuelles et les systèmes de mesure prédominent. On a inventé des fictions intéressantes pour peser et mesurer les sons: alphabets, partitions musicales, sonogrammes. Mais tout le monde sait qu’on ne peut pas peser un soupir, ou compter les voix d’un choeur, ou mesurer le rire d’un enfant.
Il serait probablement exagéré de dire que dans une culture orale la science ne peut exister la science, et particulièrement la physique, les mathématiques et les activités qui en découlent: les statistiques, la physiologie, la psychologie empirique, le dessin industriel, la démographie, les opérations bancaires, etc -la liste est longue. Il suffit probablement de dire que dans les cultures purement orales ces activités n’apparaissent pas.
Me suis-je éloigné du sujet?
Je disais que tout dans le monde a été créé par le son et analysé par la vue. Dieu a commencé par parler -il a vu ensuite que c’était bien ainsi.
Qu’arrive-t-il, si ce n’est pas bien ainsi? Dieu alors détruit par le son. Le bruit tue. La Guerre. Le Déluge. L’Apocalypse.
Le bruit abolit. Il transforme: le langage devient polyglotte -c’est l’histoire de Babel. Lorsque le bruit du monde devint si fort qu’il troubla les dieux jusqu’au plus profond d’eux-mêmes, alors les dieux donnèrent libre cours au Déluge (Épopée de Gilgamesh).
Certains affirment que le bruit de l’apocalypse sera assourdissant (Mohammed dans le Coran ou Jean de Patmos dans le Livre de la révélation). D’autres soutiennent que le monde s’achèvera non pas « dans un bang mais dans un gémissement ». Dans tous les cas, il se fera entendre. Car tous les grands bouleversements s’expriment par le son : la guerre, la violence, l’amour, la folie. Seule, la maladie demeure silencieuse et se prête à l’analyse.
Viens, ami, et prends place à mes côtés dans la tribune de la vie. Les places sont gratuites et le spectacle est permanent.
L’orchestre du monde est toujours en train de jouer; nous l’entendons en nous et à l’extérieur, de près et de loin.
Il n’y a pas de silence pour les vivants.
Nous sommes condamnés à écouter.
La plupart des sons que j’entends sont rattachés à des choses. Lorsque les choses sont cachées, les sons me permettent de les découvrir. J’écoute les sons à travers la forêt, au tournant du chemin, de l’autre côté de la colline.
Le son se glisse là où la vue ne parvient pas.
Le son pénètre sous la surface.
Le son va au coeur des choses.
Quand j’oublie les choses auxquelles les sons se rattachent, le monde des phénomènes disparaît. Je deviens aveugle. Je suis emporté par une sorte de volupté-et l’univers devient musique.
Toute chose en ce monde a un son qui lui est propre -même les objets silencieux. Nous apprenons à connaître les objets silencieux par le son qu’ils rendent. La glace est mince, la boîte est vide, le mur est creux.
Voici un paradoxe: deux choses se touchent mais un seul son est produit. Une balle frappe un mur, une baguette fait résonner un tambour, un archet fait vibrer une corde. Deux objets un seul son.
Une preuve de plus que 1 plus 1 = 1.
Il est tout aussi impossible d’unir des sons sans changer leur qualité. Ainsi, le paradoxe de Zénon: « Si un boisseau de maïs qu’on renverse sur le sol produit un son, chaque grain et chaque partie de chaque grain doit produire un son similaire -et pourtant il n’en est pas ainsi. »
En acoustique, les sommes égalent les différences.
Les sons me parlent d’espaces -d’espaces petits ou grands, étroits ou vastes, à l’intérieur ou au-dehors. L’écho et la répercussion des sons me renseignent sur les surfaces et les obstacles. En m’exerçant, je peux commencer à entendre « des ombres acoustiques » à la manière des aveugles.
L’espace auditif est très différent de l’espace visuel. Nous sommes toujours au bord de l’espace visuel -nous nous penchons pour regarder à l’intérieur. Mais nous sommes toujours au centre de l’espace auditif -nous tendons l’oreille vers l’extérieur.
La conscience visuelle n’est donc pas la même que la conscience auditive. La conscience visuelle se tourne vers l’avant. La conscience auditive se tient au centre.
Je me trouve constamment au coeur de l’univers sonore.
Il me parle dans ses diverses langues.
Il me parle dans les langues des dieux.
Tous les thèmes importants de la science et des mathématiques tels qu’on les a développés en Occident sont silencieux: le continuum espace-temps de la relativité, la structure atomique de la matière, la théorie ondulatoire de la lumière. Et les instruments conçus pour l’étude de ces sujets sont, eux aussi, silencieux: le télescope et le microscope, l’équation, le graphique
et, surtout, les nombres. Les statistiques traitent d’un monde de quantités présumé silencieux. La philosophie traite d’un monde de phénomènes présumé silencieux. L’économie traite d’un monde matériel supposé silencieux. Même la religion ne traite plus que d’un Dieu devenu silencieux. La musique occidentale aussi est née du silence. Depuis deux mille ans, elle mûrit derrière les
murs.
Les murs ont tranché entre la musique et le paysage sonore. Les deux se sont séparés et sont devenus indépendants. A l’intérieur, la musique.
A l’extérieur, la confusion.
Mais tout ce qui est ignoré finit par réapparaître. L’obscurité véhémente du paysage sonore revient à la charge et nous sommes confrontés à la pollution par le bruit. Certains sons sont si caractéristiques qu’il suffit de les entendre une fois pour ne jamais les
oublier: le hurlement d’un loup, le cri d’un huard, le sifflement d’une locomotive à vapeur, le
crépitement d’une mitrailleuse. Dans une société tournée vers le son, des sons comme ceux-ci peuvent être produits et imités dans les chansons et le langage -aussi facilement que dans une société tournée vers la vue on dessine une image ou une carte.
La société tournée vers la vue est toujours déroutée par la capacité de retenir les sons démontrés par les peuples qui n’ont pas encore atteint la phase visuelle. Le Coran, le Kalevala et l’Iliade ont tous été appris par coeur. Pourriez-vous, vous en rappeler?
L’homme « de la vue » possède des instruments qui l’aident à fixer ses souvenirs visuels (peintures, livres, photographies). Quel est donc le mécanisme qui permet de fixer le souvenir auditif?
La répétition. La répétition est le moyen mnémotechnique qui convient au son. La répétition, car c’est par elle que se retient et s’éclaire le monde sonore. La répétition, car c’est par elle que s’affirme l’histoire du monde. La répétition n’analyse pas; il lui suffit d’insister. La répétition permet à celui qui écoute de participer à l’expérience, non pas en la comprenant
mais en la mémorisant. «C’est écrit, mais je vous le dis…» Et je continuerai à le dire encore et encore et encore, parce que Entendre c’est Croire.
A mesure que l’emprise visuelle et analytique sur le monde sera remplacée par l’intuition et les sensations, nous commencerons à redécouvrir le véritable accord du monde et l’harmonie exquise de toutes ces voix.
Nous trouverons le centre.
Et tout le corps alors deviendra oreille et tous les sons afflueront -ceux qui sont connus et ceux qui ne le sont pas, ceux qui sont doux, ceux qui sont tristes, ceux qui sont pressants.
La nuit, lorsque mon corps repose blanc et bleu sur mon lit, tous les sons s’accordent pour venir à moi, sans hâte, étrangement confondu -depuis les plus ténus jusqu’au long crissement des montagnes. L’ouïe, alors est plus présente… et des chants me parviennent… tandis que je franchis le seuil du «pays qui aime le silence».

FORMATION À LA BALADOCRÉATION


DEVENIR BALADOCRÉATEUR

 

 

Une formation-action pour devenir baladocréateur et participer à la création de la 3ème balade sonore du Cap de la Chèvre

Le collectif du projet Territoires Sonores propose plusieurs week-end de formation à la baladocréation en vue de créer un troisième circuit de balade sonore dans le Cap de la Chèvre (circuit de Morgat).

Cette formation s’effectuera en 4 temps / 4 week-end (février à juin) :

  • 1- Technique de prise de son / technique de l’interview
  • 2- Montage audio avec des logiciels simples
  • 3- Rencontre de la personne ressource et dérushage
  • 4- Montage et publication de votre friandise

 

 

Des aides ponctuelles pourront être apportées à distance entre les différentes sessions.

Le premier week-end aura lieu les 19 et 20 février 2011 à la Maison des Minéraux de 10h à 18h.

Cette formation vous permettra de vous initiez à la baladocréation. Vous serez en mesure de produire vous-même un document sonore qui sera publié sur le site de Territoires Sonores et proposé à l’écoute sur le futur circuit balisé de la balade sonore de Morgat. Vous serez également en mesure d’accompagner d’autres personnes, sur d’autres territoires.

Cette formation est ouverte à toute personne désireuse de se lancer dans la production sonore, la baladocréation.

Le programme en ligne : http://www.territoires-sonores.net/index.php/Deuxi%C3%A8me_session_de_formation_%C3%A0_la_baladocr%C3%A9ation

Pour plus d’information, vous inscrire, contactez nous : armel.menez_AT_maison-des-mineraux.org / 02.98.27.19.73

Le collectif Territoires Sonores / Wiki-Brest / La Maison des Minéraux

PS : Pique-nique collectif et partagé les midis.


RENCONTRES ARCHITECTURE MUSIQUE ÉCOLOGIE – ATELIERS ÉC(H)OART


14e Rencontres Architecture

Musique Écologie

EC(H)OART

4e Ateliers d’écologie sonore

et de composition musicale

http://www.trou.ch/show_image.php?filename=artistes/70_photo.jpg&width=200

Pierre Mariétan,

le directeur des RAME

Introduction aux 14ièmes Rencontres Architecture Musique Ecologie

17-22 août 2011  Martigny (Suisse)

Les 14ième Rencontres Architecture Musique Écologie poursuivent l’objectif de la recherche de qualité sonore de l’environnement.
Il va de soi qu’il ne peut être question de traiter ce domaine en l’isolant de l’ensemble des autres préoccupations écologiques et environnementales. Chaque année un thème lié à une problématique plus générale est proposé à la réflexion des participants et contributeurs. 
Celui de l’écologie sonore et technologies englobe aussi bien des sujets traitant du milieu de vie que de l’instrumentarium numéro-électro-acoustique. Nous n’oublions pas la thématique de base des RAME, traitant de l’exercice de l’écoute : nous retournerons sur quelques sites qui ont fait l’objet d’observations et d’analyses au cours des éditions précédentes en vue de comparer les écoutes d’hier et d’aujourd’hui.
Pierre Mariétan
Directeur du RAME

Les technologies électro-acoustiques (téléphone, radio, disque, magnétophone, baladeur numérique, etc.) ont changé non seulement notre relation aux sons, mais d’une façon beaucoup plus générale notre relation au monde. Les canaux de transmission spatio-temporelle, comme la radio et le magnétophone ont permis pour la première fois dans l’histoire de l’humanité de disposer du monde sonore, c’est-à-dire l’univers acoustique de la vibration.
Toute forme de vie renvoie à une dimension vibratoire c’est pourquoi le son, en termes d’évolution de notre espèce, est la modalité sensorielle la plus apte à nous donner une perception globale et immédiate de l’espace environnant et des présences dynamiques qui l’occupent ainsi qu’une ouverture et une disponibilité réceptives presque permanentes. Le pouvoir de disposer des sons joue un rôle fondamental dans la maîtrise de la communauté humaine et de son milieu, tous les pouvoirs ont toujours élaboré des stratégies de contrôle sonores (parole, émissions vocales, signaux, musiques). Disposer des sons, autrement dit avoir la faculté de les stocker, de les transmettre et de les manier, correspond donc à une rupture anthropologique majeure. En effet, les technologies du son ont changé en large mesure notre relation à l’espace, au temps, au milieu physique et social ainsi qu’à notre propre imaginaire. Toute écologie, mais il faudrait parler plutôt d’ écosophie, c’est-à-dire d’un rapport équilibré à la nature, à la communauté humaine et à son propre psychisme, ne peut pas faire l’économie d’une réflexion concernant l’impact et les conséquences de ces technologies sur les équilibres inhérents ces rapports.
Quel rôle jouent donc ces technologies sur l’écologie sonore et comment l’écologie du son, voire l’approche écologique globale, peut ou doit s’approprier, orienter, refuser ces technologies ? S’agit-il d’une conflictualité ou d’une complémentarité ? De quelle façon ces technologies électro-acoustiques modifient notre vie, notre environnement, notre quotidien ? Comment influent-elles sur notre comportement en rapport aux sons et aux modes de percevoir et d’écouter ? Comment analyser et comprendre l’artificialité des sources sonores ainsi que celle des dispositifs d’amplification et de diffusion par rapport à notre existence quotidienne ? Quel rôle joue ou peut jouer la création, dans son rapport avec les technologies, pour une écologie sonore ?
Roberto Barbanti
Collectif Environnement Sonore

En parallèle, ouverture des inscriptions à l’Atelier Ec(h)oArt 
4ème atelier d’écologie sonore et de Composition Musicale

. 
Destinataires : compositeurs, architectes, urbanistes, paysagistes. 
Toute personne intéressée par la composition musicale et l’environnement sonore.
  
Du 11 au 17 août 2011 à Martigny
.

Atelier dirigé par Pierre Mariétan, compositeur

 plus d’information : cliquer ici
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Prix Giuseppe Englert

Ouverture des inscriptions pour le prix Giuseppe Englert
 3ème Prix d’aide à la réalisation d’un projet traitant de la qualité sonore de l’environnement

. 
La participation à ce prix est réservée aux participants de l’Atelier Ec(h)oArt.
  
Remise du Prix le 17 août 2011 à l’occasion de l’ouverture des 14ème Rencontres Architecture Musique Ecologie

plus d’information : cliquer ici

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Les 14ème Rencontres Architecture Musique Ecologie

Chaque année, les Rencontres Architecture Musique Écologie réunissent des acteurs de la recherche dans les domaines concernés, ainsi que tous ceux qui portent attention à la qualité de leur environnement. La priorité est donnée au processus de l’écoute en tant qu’outil de connaissance du milieu de vie.

Cette année, les Rencontres auront lieu du 17 au 21 août 2011 à Martigny autour du thème « Ecologie sonore et technologies ».
plus d’information : cliquer ici

 

3ème Prix Giuseppe Englert

Ce prix pour l’aide à la réalisation d’un projet traitant de la qualité sonore de l’environnement 
sera décerné le 17 août à 18h au Manoir de Martigny à l’occasion de l’ouverture
 des Rencontres Architecture Musique Ecologie du 17 au 21 août 2011.
Groupe d’experts : 
Roberto Barbanti : président du jury, philosophe, enseignant à l’Université Paris VIII 
Jean-Marie Rapin : physicien, acousticien
 Rainer Boesch : compositeur, ancien professeur de la Haute Ecole de musique de Genève et au Conservatoire National Supérieur de Paris 
Narcisse Crettenand : député au Grand Conseil, Président de la Fondation Pro Aserablos
Informations et inscriptions : production@architecturemusiqueecologie.com

Les projets présentés peuvent avoir pour objectif
– La création d’œuvres musicales, installations sonores conduisant le public à prendre conscience, à l’oreille, de son milieu de vie.
– Des propositions faisant état de processus acoustique, esthétique, tendant à créer des situations sonores favorables à l’environnement.
– Des actions éphémères ou pérennes s’inscrivant dans les domaines politique, social, culturel.
– La manifestation, quelle qu’en soit la forme d’expression choisie, s’inscrivant dans le cadre de travaux de recherche dans le domaine.
Conditions de participation

Le Prix Giuseppe Englert est réservé aux participants à l’Atelier d’écologie sonore et de composition musicale de Martigny.
Demande d’admission + envoi d’un dossier (curriculum vitae, travaux) à : production@architecturemusiqueecologie.com

Date d’ouverture des candidatures au Prix : le 1er janvier 2011
 Date de clôture des candidatures au Prix :  le 30 mai 2011

Le Prix Giuseppe Englert (CHF 5.000 ) : est destiné à la réalisation du projet primé.
Il sera remis en présence de Madame Jacqueline Englert Marchal.

Mentions particulières

Au-delà de l’originalité, de la qualité et de la faisabilité des travaux soumis à l’appréciation des experts, le choix sera également dicté par la conformité des propos avec les objectifs énoncés ci-dessus.

Les candidats bénéficieront sur place, si besoin est, de l’aide et des conseils d’un opérateur pour des enregistrements, traitements électro-acoustiques. Une station d’informatique sonore, programme Pro-Tools, et une station d’écoute seront mises à disposition.
Seuls peuvent être présentés des travaux (projets, concepts etc.) non encore réalisés.

Dans le cas où cela s’avérerait envisageable, la réalisation se fera durant les 14ème R.A.M.E. du 17 au 21 août 2011 à Martigny. 
Dans ce cas comme dans les autres, le montant du Prix Giuseppe Englert de 5000 frs CH,  couvre le coût de la réalisation du projet en entier ou partiellement.

Le montant du prix sera versé à l’étape de réalisation du projet retenu. Il comprend si besoin est, les frais de matériel, frais de séjour et de déplacement du lauréat.

LES GROTTES PALÉOLITHIQUES ET LE SONORE


La dimension sonore des grottes paléolithiques et rochers à
peintures

Iegor REZNIKOFF
Résumé : Nous avons pu établir, depuis 1983, que dans de nombreuses grottes à
peintures du paléolithique, il y avait un rapport étroit entre les emplacements des
peintures dans la grotte et la valeur sonore (qualité acoustique) de ces
emplacements. D’une façon générale, on peut dire que c’est à proximité des endroits
les plus sonores que l’on trouve le plus de peintures. Nous avons récemment étudié
(2008 et 2009) la grotte Kapova dans l’Oural. D’autre part, nous avons obtenu
quelques résultats concernant les peintures sur rochers. Nous nous proposons de
faire état des méthodes (essentiellement anthropologiques), des résultats et des
questions que ces études ont révélés. Et, dans l’esprit du Colloque, nous tenterons
une approche comparative des grottes étudiées.

Abstract: The sound dimension of the palaeolithic caves and the rocks with
paintings
We compare here the results of acoustical studies we have carried out in several
Palaeolithic painted caves and which have revealed a deep connection between the
paintings and the acoustical qualities of the corresponding locations in the caves.
Recently (2008 and 2009), we have studied the Kapova cave where similar and
remarkable results have been discovered.

 

POUR TÉLÉCHARGER ET LIRE L’ARTICLE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

FORUM MONDIAL 2011 DE L’ÉCOLOGIE ACOUSTIQUE, APPEL À CONTRIBUTION


2011 WORLD FORUM FOR ACOUSTIC

ECOLOGY CONFERENCE

‘Crossing listening paths’

IONIAN UNIVERSITY, CORFU, 3-7 OCTOBER 2011

CALL FOR SCIENTIFIC AND ARTISTIC CONTRIBUTIONS


www.akouse.gr/wfae2011/

Soundscapes are seldom simple; on the contrary, they tend to be complex sounding systems continuously changing in time, which no art or science can approach in depth on its own. Listening is the ‘corner stone’ for the appreciation, participation and study of the sonic environment that surrounds and includes us. As Westerkamp (2002) remarks, it is the ecological balance of our planet that becomes audible “to those who care to listen.”

We might consider listening in two ways: as the actual activity of focusing (in innumerable ways) our attention to the soundings, and in a metaphorical manner; listening as a metaphor.  A research or a compositional approach to the sonic environment, for example, can be thought of as a listening path. One alone cannot listen to everything that is simultaneously sounding in the soundscape; similarly the meanings transmitted through soundings cannot be fully uncovered by a single discipline. The multidisciplinary approach in the research of the sonic environment has been highlighted from the very beginnings of Acoustic Ecology. These different aesthetic and scientific approaches to the soundscape are considered here metaphorically as crossing listening paths, which in their ‘conjunctions’ and interactions might create a better understanding of the whole.

‘Crossing listening paths’ is the main theme of the Conference of the World Forum for Acoustic Ecology, which will take place at the Department of Music of the Ionian University in Corfu, Greece from 3-7 of October 2011. The conference will be endorsed by the World Forum for Acoustic Ecology and the Hellenic Society for Acoustic Ecology, will be organized and co-sponsored by the Department of Music of the Ionian University and the Electroacoustic Music Research and Applications Laboratory (EPHMEE) of the Ionian University, and will be supported by the Computer Music Laboratory of the Department of Music Technology and Acoustics of the Technological and Educational Institute of Crete.

Proposals are invited for roundtable discussions, workshops, papers/posters, compositions/artistic contributions, relating to, but not limited to the main theme. A small number of the submitted papers will be selected for inclusion in the forthcoming issue of the Soundscape Journal, which will share the conference theme. The official language of the conference will be English.

Please send abstracts for roundtable discussions, papers/posters, workshops, (max. 400 words) & proposals for compositions or other artistic contributions by May 15, 2011 as an email attachment to:  wfae2011@akouse.gr

The abstracts/proposals will be reviewed, and the participants whose papers and sonic
art works will be chosen for presentation will be notified by July 15, 2011. You will find attached the respective forms: a) Abstract for Scientific contribution, b) Proposal for Artistic contribution and c) Registration Form.

Information about keynote speakers and the conference program will be forthcoming. Please visit the conference web site for updates: http://www.akouse.gr/wfae2011/